Dans L’état adolescent, Miroir de la société, publié en 2013, Marcelli indique que notre société toute entière fonctionne sur le modèle de l’adolescent :  « la consommation, l’excitation, la connexion continue, la recherche de sensations fortes, la quantité plutôt que la qualité, la surface plus que la profondeur, la vitesse plutôt que la réflexion.» Ainsi la société se pose-t-elle comme un reflet de l’adolescence, en fonctionnant aujourd’hui selon les mêmes caractéristiques que nos jeunes. Elle renforce leur sentiment de toute-puissance par l’illusion d’être parfaitement adaptés aux enjeux du monde contemporain.

Mais il n’en est rien : dans cette « hyperactivité », l’adolescent n’a plus de temps pour son intériorité, ô combien nécessaire à la construction de soi. Et « il serait dommage de passer une vie entière connectée, sans jamais se brancher…à soi-même. » ajoute Marcelli p. 190. 

Quant au numérique, il offre une fenêtre  sur ce qui se produit sur le marché cognitif : il met en exergue notre impulsivité puisqu’il nous incite à parler vite, à juger de suite, et renforce le plaisir collectif que nous tirons de cette impulsivité. Cela est d’autant plus vrai chez les adolescents car le fonctionnement cognitif de cet âge est spécifique et, en particulier, il ne facilite pas leur inhibition.

On comprend combien les réseaux se glissent naturellement dans cette faille pour offrir  une intensité émotionnelle qui comble l’adolescent.

Enfin, en donnant l’illusion à ces derniers qu’ils maîtrisent à la fois le temps (tout est disponible dans l’instant), l’espace (on peut communiquer d’un bout à l’autre de la planète) et les relations humaines (on peut zapper, changer d’interlocuteur), le numérique renforce encore la toute puissance des adolescents et retarde de facto leur capacité à différer leurs désirs et accepter la frustration.